BULLETINS JURIDIQUES

En règle générale, les actionnaires n’ont aucun pouvoir sur la société par actions. Ils se bornent à élire les administrateurs, et ce sont ces derniers qui prennent toutes les décisions concernant la gestion de la société. En théorie, le contrôle des actionnaires se limite donc à ne pas réélire un administrateur, ou à le destituer s’ils considèrent que sa gestion est déficiente. En pratique, toutefois, il est courant, et même encouragé, que les administrateurs soient choisis parmi les actionnaires. Ces personnes ont donc deux chapeaux à porter pour jouer leurs rôles.

Évidemment, les plus grands pouvoirs conférés aux administrateurs expliquent leur plus grande responsabilité et vulnérabilité. Les actionnaires, quant à eux, ont une responsabilité limitée à leur mise de fonds (le prix déboursé pour l’acquisition de leurs actions).

Quelles obligations pour les administrateurs ?

Les administrateurs de la société doivent agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la société. Ces principes sont codifiés au paragraphe 122(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA), à l’article 322 du Code civil du Québec et à l’article 119 de la Loi sur les sociétés par actions (LSAQ). Mais que veut dire l’expression « dans l’intérêt de la société »?

Aujourd’hui, on considère que les intérêts de la société équivalent au juste milieu des intérêts de ses intervenants; et non, comme on le pense trop souvent, aux seuls intérêts des actionnaires! En effet, les deux se recoupent souvent : quand la société va bien, les actionnaires vont bien. Mais cela ne veut pas dire qu’ils vont nécessairement de pair.
Ainsi, parmi les intervenants, on compte également les créanciers, les administrateurs, les dirigeants, les employés

Prenons l’exemple d’une société au bord de la faillite. Si ses administrateurs autorisent le versement d’un dividende qui rend la société insolvable, ils satisfont aux intérêts à court terme des actionnaires, mais nuisent aux créanciers. Ce dividende serait donc illégal, comme le confirment d’ailleurs l’article 42 de la LCSA et l’article 104 de la LSAQ.

Ainsi, les administrateurs ont l’obligation, avant la prise d’une décision, de tenir compte de l’intérêt que chaque partie prenante pourrait faire valoir.

L'exception : la convention unanime des actionnaires

Les actionnaires peuvent conclure entre eux ou avec des tiers une convention qui restreint ou même retire les pouvoirs du conseil d’administration. Comme son nom l’indique, cette convention doit être unanime, c’est-à-dire que tous les actionnaires doivent l’avoir ratifiée; les actionnaires subséquents seront automatiquement liés par la convention. Ce sont le paragraphe 146(1) LCSA et l’article 213 LSAQ qui énoncent cette règle, à laquelle les administrateurs n’ont d’autre choix que de se conformer. Par ailleurs, la législation québécoise est encore plus permissive en énonçant que les actionnaires peuvent, s’ils le désirent, choisir de ne même pas constituer de conseil d’administration (Article 216 alinéa 3 LSAQ). Un actionnaire unique qui a agi ainsi peut décider de prendre toute décision relative à la gestion par résolution écrite, qui tient lieu d’assemblée. Il n’a pas à tenir ni assemblées d’actionnaires, ni assemblées d’administrateurs (Article 217 LSAQ)!

Il importe de ne pas confondre cette « convention unanime des actionnaires » avec la « convention entre actionnaires ». Ce sont deux notions complètement distinctes. Alors que la première vise à diminuer les pouvoirs des administrateurs au profit des actionnaires, la seconde a pour but de remédier à une mésentente éventuelle entre les actionnaires.

Me Paul Martel, avocat émérite en droit corporatif, explique que la réduction des pouvoirs des administrateurs par une convention unanime des actionnaires peut se faire de plusieurs façons. Ainsi, la convention peut réclamer une majorité particulière ou même l’unanimité des voix des administrateurs lors des votes de leurs assemblées, pour des situations précises. On peut également obliger ou interdire aux administrateurs de poser certains gestes, ou exiger que les actionnaires approuvent par résolution les décisions des administrateurs. Enfin, il est possible d’opérer littéralement un transfert de pouvoirs en faveur des actionnaires.

Bien entendu, ce transfert de pouvoirs implique inévitablement un transfert de responsabilité. Les actionnaires devront donc assumer les responsabilités personnelles normalement dévolues aux administrateurs.

Conclusion

Que vous soyez administrateur, actionnaire, ou que vous cumuliez ces deux rôles, il est important de bien prendre et comprendre vos responsabilités. 

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